Textes d'auteurs

Christian Gattinoni, "L’opéra des performances en suspens"

Publié dans lacritique.org, 2016

Corinne Mercadier fait partie de ces trop rares artistes qui de série en série évoluent dans leur univers imaginaire le forgeant pour faire œuvre. Son dernier opus à la galerie des Filles du Calvaire Le ciel commence ici invite le spectateur à une participation active.

J’avais en 1995 fait partie des privilégiés qu’elle avait interrogé sur cette question existentielle plus radicale qu’il n’y paraît : Où commence le ciel ? (Editions Filigranes) Si vingt ans après elle semble vouloir boucler un cycle en retournant la formule , il apparait que par son caractère tautologique la formulation réponse nous invite en fait à poser d’autres questions tout aussi fondamentales.

Certaines réponses sont apportées par l’artiste dans son exposition Images rêvées qui se déroule parallèlement , la présentation de polaroids , de dessins et de projets constituent autant d’indications scénographiques pour un spectacle à venir.

Dans la galerie Corinne Mercadier construit par des approches ponctuelles de scènes autonomes une sorte d’opéra fait de performances mises bout à bout et dont le livret reste à écrire par les spectateurs que nous sommes.

Dans la dernière petite salle un diaporama nous invite à feuilleter son carnet de travail où les didascalies nombreuses témoignent des divers apprêts scénographiques.

Elle revendique ainsi une continuité entre la merveilleuse Suite d’Arles élaborée sur les toits du Musée Réattu et ces récentes performances sur d’autres toits institutionnels dont l’Observatoire de Paris ou le Domaine de Chambord.

Ce choix n’est pas plus innocent que celui de Steven Cohen dans les sous-sols de la grande scène du Palais des Papes en Avignon. Corinne Mercadier se souvient de ses complicités scéniques avec Daniel Larrieu quand elle se donne depuis quelques années la liberté d’embarquer des danseurs dans ses mises en scènes nocturnes. Avec eux elle jopue aussi la parade des matières et des volumes chargés de dialoguer avec la géométrie des architectures et des lieux.

Les danseurs sont le plus souvent retenus à l’orée du mouvement. S’ils peuvent apparaître hiératiques ils gardent dans l’image tout leur potentiel énergétique. Comme le performer concentré sur l’essentiel de son action réduite les danseurs jouent ici a minima avec une retenue qui révèle un véritable engagement. Les costumes dont l’artiste les a parés contribuent à cette économie du geste , même si le volant d’une robe trahit parfois une passe plus dansée.

Chaque scène performée développe ces liens baroques entre vêtures, matières scéniques et corps engagés pour un opéra encore en suspens dans la magnificence des couleurs.


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